Il est des fantômes qui surgissent à certains moments de notre vie qui nous accompagneront toujours. Des fantômes à l’apparence séduisante, qui nous attirent pour mieux nous détruire. Des fantasmes dont on ne sait plus si on en est maître ou esclave. Des fantasmes qu’on a refoulé tellement longtemps qu’ils ont eu tout le temps nécessaire pour nous dévorer de l’intérieur, nous obséder, nous empêcher de dormir, de penser, de respirer, de voir clair ou d’entendre. J’aime, et l’instant d’après je me sens dépossédé, fragile, apeuré, anéanti. J’aime et je deviens bourreau - le mien comme celui de l’être aimé. Je m’aperçois que je n’ai pas la maîtrise de l’autre et je perds le contrôle de moi-même. Dès lors il n’y a plus de confiance, plus de vérité qui tienne. La jalousie anéantit la raison de toute sa violence, toute sa démesure, tout son grotesque.
C’est ce qu’Harold Pinter a parfaitement compris quand il écrit La Collection et C’était hier. En maître des rapports humains, de la violence et de la peur des hommes, de leurs abîmes, il explore le champ des relations amoureuses avec une précision, une férocité et un humour implacables. Avec classe et démesure. Avec sensualité et sauvagerie. Réunies sous le titre Des fantômes se cramponnent, ces deux pièces, écrites à neuf années d’écart, seront une des prochaines créations de La Nouvelle Fabrique, inspirée du travail photographique de Julie Coustarot, Francesca Woodman, Gregory Crewdson ou encore du cinéma des années 60 (Losey, Clouzot, Antonioni).